CHAPITRE V

BLOTTI derrière une grille d’aération, Xavier Ekhoud avait tout le temps de se maudire pour la bêtise qu’il avait commise. Il s’était découvert au lieu de rester tranquille comme il le faisait depuis neuf mois. Trois tueurs avaient aussitôt été lancés à ses trousses.

Et voilà qu’ils l’avaient retrouvé. Par chance, l’alarme non électronique de l’entrée avait retenti. Xavier s’était planqué en catastrophe sans avoir eu le temps d’attraper une arme.

Deux tueurs étaient installés dans la salle de réception de la résidence, au rez-de-chaussée. La bouche d’aération où Xavier se tassait permettait de les apercevoir. Un troisième circulait dans les étages. On pouvait l’entendre défoncer les portes.

Un an et demi auparavant, il n’aurait sans doute jamais trouvé la force nécessaire pour vivre comme un rat, au fond d’une résidence abandonnée. Il n’était qu’un technicien spécialisé dans le clonage, tâchant de survivre sur une planète elle-même en décrépitude. Jusqu’à ce que son chemin croise celui de Jana. Ils n’avaient échangé aucune parole, à peine un regard. Mais, pour lui, plus rien n’avait été pareil.

La planète s’appelait Hixsour. Elle gravitait autour d’une étoile bleu-vert de deux masses solaires et de la naine rouge qui lui servait de compagne, que l’on distinguait dans le ciel sous la forme d’un pâle croissant. La naine rouge était si proche que le soleil arrachait des lambeaux de gaz à sa couche externe et que, d’ici cent millions d’années, cette accrétion aurait réduit sa masse de moitié. À la saison chaude, elle incendiait les premières heures de la nuit de sa lueur sanglante.

Jadis, on avait cultivé du maïs amidonnier dans des champs vastes comme des pays et élevé de gigantesques troupeaux de faluils dans des fermes automatisées. Le tout sous le contrôle lointain mais étroit du propriétaire, une multimondiale qui prélevait sa dîme sur tout ce qui entrait et sortait de l’agromonde. Mais ce qui restait assurait aux colons un revenu plus que confortable. De quoi ériger des cités d’un luxe inouï, attirer des artistes, créer des universités.

Le rêve doré n’avait pas duré. Cinquante ans auparavant, la multimondiale – peu importait son nom aujourd’hui – avait déclaré la guerre à l’une de ses concurrentes. Elle avait cannibalisé d’énormes ressources. En pure perte car, cette guerre, elle l’avait perdue, entraînant dans son sillage la chute de vingt planètes. Hixsour avait été du nombre.

Le chômage avait déferlé comme un raz-de-marée. L’arrêté de Restriction technologique puis l’envoi de troupes avaient répondu aux grèves générales et aux sabotages de drones agricoles. Les colons étaient repartis, vidant des villes entières en une semaine. À peine une génération plus tard, Hixsour n’était plus qu’un terrain vague semé de bidonvilles déserts, de décharges pourrissant à ciel ouvert et de buildings à moitié construits. Xavier était issu d’une de ces familles jadis prospères mais déjà ruinées au moment de sa naissance. Elles avaient vu leurs privilèges s’effondrer les uns après les autres mais ne s’étaient pas pour autant résignées à partir pour des cieux plus cléments et s’étaient condamnées elles-mêmes à s’asphyxier lentement, aigrement, telles des huîtres découvertes par la marée. Sa jeunesse, Xavier l’avait passée à visiter les maisons fantômes de son quartier, dont quelques-unes servaient de planques ou d’entrepôts clandestins. Des années libres et insouciantes, au milieu des gamins du quartier. Puis le moment était venu d’aller à l’école. Sans qu’il sache exactement pourquoi, cela l’avait intéressé – peut-être parce que sur Hixsour, il n’y avait rien d’autre à faire. Les grandes structures urbaines avaient périclité avec le reste, mais quelques îlots avaient subsisté, dont l’université des sciences appliquées. Xavier y avait fait ses études supérieures, dans le domaine des biotechnologies. D’abord dans l’espoir de partir ; mais son talent avait éclaté et il avait réalisé que, pour un esprit entreprenant, il était tout aussi lucratif de rester sur Hixsour. Car sur toutes les planètes déchues les trafics en tout genre fleurissaient.

La réputation de Xavier, qui n’avait alors que trente-deux ans, n’avait pas tardé à se répandre à travers plusieurs systèmes. Diverses organisations payaient ses services pour cloner en toute illégalité des organes ou des êtres humains entiers. Le plus souvent, bien sûr, il s’agissait de femmes. D’une grande beauté pour la plupart, leur fonction comme leur sort ne laissaient guère de doute. Mais Xavier ne se posait pas de problèmes moraux – il avait considéré une fois pour toute qu’il n’en avait pas les moyens. Ses commanditaires étaient des amoureux éconduits ou de riches amateurs qui étaient parvenus à se procurer des cellules souches de la belle, voire les sujets originaux eux-mêmes, résolus à vendre leur duplicata pour leur propre compte ou satisfaire un obscur besoin de prolongation personnelle. Tout le spectre des désirs sexuels était passé entre les mains expertes de Xavier. Il y avait aussi des hommes : des maris voulant fuir leur vie conjugale sans se faire remarquer, des chefs de la pègre ayant besoin d’une doublure, des mercenaires de haut vol…

Dix-huit mois plus tôt, on avait fait appel à lui pour un clonage urgent, confidentiel et extrêmement bien payé. Xavier avait accepté sans sourciller. On lui avait amené l’original avec un luxe de précautions digne d’un administrateur de multimondiale. La femme répondait au prénom de Jana. Xavier avait cloné parmi les plus belles femmes de l’univers humain. Celle-ci ne les surpassait pas, loin s’en fallait. Mais elle était différente. Cette fois, ce n’était pas qu’un corps.

Et pourtant… Une peau diaphane. Pas d’ongles aux mains ni aux pieds. Un visage fin aux cheveux blonds. Un regard insondable.

À la seconde où son regard l’avait frôlée, Xavier était tombé amoureux d’elle. Éperdument.

Alors il avait commis ce qu’il s’était juré de ne jamais faire. Prélever un bout de tissu cardiaque en culture dans un des bioconteneurs n’avait été pour lui qu’un jeu d’enfant : la surveillance permanente de ses commanditaires ne pouvait rivaliser avec sa connaissance des lieux. Au cours d’un contrôle de la réplication cellulaire, il avait sorti de sous sa langue un tube en plastique de cinq millimètres de long, dans lequel il avait introduit quelques cellules. Il n’avait eu ensuite qu’à l’avaler.

Chez lui, il disposait d’une cuve de croissance et de matériel de traitement ADN de surplus dont nul ne connaissait plus l’existence. Il avait congelé son prélèvement et achevé son contrat. Une fois Jana deux et ses commanditaires repartis, Xavier avait discrètement déménagé son matériel dans une résidence abandonnée au centre d’un ancien domaine, loin de toute agglomération.

Au milieu d’un de ses allers et retours, il avait appris la nouvelle : un incendie avait ravagé les entrepôts de la capitale. Là où ses laboratoires étaient basés. Le feu s’était même propagé aux quartiers résidentiels. On dénombrait quatre cents victimes et la liste ne cessait de s’allonger. Parmi elles, les huit collaborateurs de Xavier. Il avait alors compris qu’il n’aurait jamais dû accepter ce contrat. Et que, s’il refaisait surface, il était un homme mort.

Il était retourné à la résidence et n’en avait plus bougé. Le nombre de victimes le hantait. Il éprouvait un sentiment de culpabilité à l’idée qu’il avait œuvré pour de telles personnes. Il n’était pas un enfant de chœur, mais tout de même, quatre cents victimes !

Il n’avait pas renoncé pour autant à ramener à la vie Jana trois. Clandestinement et sans beaucoup de moyens, c’était une tâche presque impossible car le clonage comportait de nombreuses incertitudes techniques – sans compter que l’ADN de Jana recelait plusieurs séquences anormales. Toutefois, Xavier avait déjà surmonté ces difficultés une fois : il la connaissait sur le bout des doigts. Et, surtout, il demeurait le meilleur cloneur d’Hixsour.

L’incubation de Jana Trois s’était poursuivie normalement – du moins jusqu’à présent, car il restait encore quatre mois avant que sa viabilité soit établie. Et encore deux pour la brancher sur un accélérateur de conscience.

 

Les tueurs installés dans la salle de réception avaient rapporté des victuailles de la cuisine attenante. Ils s’étaient avachis sur des chaises finement sculptées dans un bois aussi rouge que celui de la table ; les accoudoirs et les pieds torsadés représentaient des serpents prêts à mordre. Les canapés et les guéridons attestaient du luxe où avaient vécu les anciens propriétaires. Les tueurs commentaient en riant le zèle de leur compagnon plus jeune. Xavier connaissait l’un des deux : Wolf, un mercenaire qui avait déjà servi de garde du corps à des clients peu regardants. Xavier savait qu’il n’abandonnerait pas la chasse, quitte à faire sauter la résidence pièce par pièce. Il n’avait sans doute pas le choix car ses employeurs n’admettraient pas l’échec.

Le compagnon de Wolf tapa du poing sur la table pour attirer son attention.

« Lis… Sur ce gros bloc qui sert de pied à la table. Tu vas rire.

— Lis toi-même.

— T’es vraiment pas drôle. Ça dit : Sur ce bloc, le pionnier Jon Ishaido a foulé pour la première fois le sol d’Hixsour et fondé Camp Trois.

— Qui ça ?

— Jon Ishaido. Un de nos pères fondateurs, y a cent cinquante ans. Moi, ça me dit vaguement quelque chose. C’est marrant… L’ancien proprio a dû cracher une fortune pour acheter ce caillou. Et il l’a laissé en fichant le camp. Maintenant qui peut s’intéresser à l’histoire d’Hixsour ?

— Pas moi, en tout cas. Tu n’as qu’à l’emporter si tu veux garder un souvenir historique. Y a rien d’autre dans cette baraque, de toute façon.

— Tu rigoles ? Ce truc pèse au moins deux cent cinquante kilos…

— Si Xavier nous entend, il doit bien se marrer… Au fait, si on se bougeait ? On a un type à tuer et on n’a pas le droit à l’erreur. Tu piges ?

— Ouais, ouais… » grommela l’autre en ramassant son flécheur Baz.

Xavier identifia sans peine l’arme de poing préférée des nervis. Le pistolet projetait à la vitesse du son un nuage d’aiguilles en matériau composite, assez fines pour réduire la friction de l’air à zéro. Au-delà de soixante mètres, elles se vaporisaient purement et simplement. Mais en deçà de cette distance, tout corps organique mou traversé se transformait en pomme d’arrosoir, les os réduits en poudre. Le résultat était aussi spectaculaire que salissant.

Le troisième tueur déboula dans la pièce.

« Eh, les gars, j’ai trouvé sa planque !

— Quoi ?

— Une chambre forte. Elle occupe presque un tiers du premier étage. Ça schlingue bizarre, là-haut. S’il nous a entendus arriver, il a dû s’y planquer. »

Wolf passa son flécheur à la ceinture.

« Évidemment qu’il nous a entendus arriver, crétin !

— Eh, m’appelle pas crétin. Mon nom, c’est Chiriko.

— D’accord, Chiriko le crétin. File au camion et ramène les explosifs. Au pas de course, vu ? »

L’autre acquiesça d’une grimace et sortit de la pièce en courant.

En entendant évoquer les explosifs, le cœur de Xavier avait bondi dans sa poitrine. Le clone en gestation de Jana se trouvait à l’intérieur. Ces tueurs risquaient d’endommager ses équipements en forçant la porte.

Il n’avait que quelques minutes pour les détourner de leur projet.

D’abord récupérer une arme. Il y en avait une dans sa chambre, au premier étage, et une seconde dans la cuisine, que les tueurs avaient certainement découverte. Ensuite il devrait leur faire comprendre qu’il ne se trouvait pas dans la chambre forte.

Il attendit que les hommes aient quitté la pièce puis recula avec précaution. Au bout du conduit d’aération se trouvait une échelle qui aboutissait dans un local technique, au premier. Celui-ci avait jadis également servi de laverie, mais il ne restait plus aucun appareil. De là, il lui faudrait remonter une partie du couloir en L et gagner la chambre sans faire de bruit. Sous le lit, il avait fixé un pistolet à induction en céramique enveloppé dans un sac en plastique étanche. Il y avait également un fusil matriciel dans l’entrée… Là encore, plus la peine d’y songer.

Il continua de reculer jusqu’à la laverie. Si l’un des tueurs l’y avait attendu, il se serait fait cueillir sans possibilité de fuite… mais les trois tueurs étaient encore au rez-de-chaussée. Ils discutaient bruyamment, sans même prendre la peine de dissimuler leur présence. Wolf savait qu’il n’avait pas affaire à un homme d’action. C’était sans doute aussi une manière de lui signifier qu’il n’avait aucune chance. Xavier n’était pas loin de penser qu’il prêchait un convaincu.

Il se déchaussa, entrouvrit la porte et passa la tête par la fente. Les trois hommes étaient en train de monter l’escalier.

« C’est vrai que ça pue, disait l’un d’eux. Notre type vit en ermite, mais tout de même…

— J’ai étudié le plan de la maison, répondit Wolf. Il y a une piscine sur le toit. Le proprio ne se refusait rien… Avec les intempéries, elle doit être devenue un marécage. »

Sans réfléchir, Xavier traversa le couloir, atteignit le coin et le dépassa à l’instant où la tête de Wolf émergeait de l’escalier. Il n’eut pas à refermer la porte : celle-ci était grande ouverte. Le lit gisait renversé sur le flanc.

Il a trouvé le pistolet !

Mais le tueur s’était contenté de soulever le lit sans le fouiller, et la main de Xavier se referma sur le sac en plastique fixé sous le sommier.

Wolf et ses sbires venaient de pénétrer dans le bureau au fond duquel se trouvait l’accès de la chambre forte. Une cloison les séparait. Xavier l’entendit crier :

« Sors de là, Xavier ! On se connaît, tu sais que je ne suis pas cruel inutilement. On te tuera proprement, une balle dans la nuque. On ne s’amusera pas avec toi… si tu te livres tout de suite à nous. Je compte jusqu’à cinq. »

Pendant qu’il égrenait le compte à rebours, Xavier déchira le sac transparent et en extirpa le gros pistolet. Le compteur de projectiles indiquait une charge pleine – seize balles conçues pour ne se fragmenter que dans un corps organique. Le cran de sûreté se libéra comme la crosse reconnaissait ses empreintes digitales. Xavier sentit aussitôt le bourdonnement de l’inducteur électromagnétique monter dans ses bras. D’un geste fébrile, il régla la molette au maximum de pénétration. Son plan était on ne peut plus simple : vider son chargeur à travers la cloison, puis filer par la fenêtre, descendre par la véranda et les semer dans le dédale de pièces du rez-de-chaussée. Il n’espérait pas blesser ses adversaires : leurs vêtements étaient certainement doublés d’une résille pare-balles. Mais au moins ils n’auraient plus de raison de faire sauter la chambre forte.

« … quatre, cinq ! termina Wolf. Tu ne nous facilites pas la besogne. Tant pis pour toi. Tu as intérêt à t’éloigner de la porte, ça va faire boum. »

Xavier empoigna le pistolet à deux mains, bien qu’il sût que l’inducteur rendait le recul négligeable. Il entendit Wolf donner des indications à Chiriko pour la pose des explosifs. À présent, l’homme devait être agenouillé devant la porte blindée… Xavier enclencha le mode de tir en cascade puis orienta le canon dans la direction supposée de son objectif.

Il pressa la détente. Quatre ping secs et étouffés, et quatre trous minuscules apparurent sur la paroi en face de lui. Xavier fit pivoter le canon de quelques degrés, tira à nouveau. Huit balles, la moitié du chargeur.

De l’autre côté, des jurons précipités s’élevèrent.

J’en ai touché un !

Le cœur battant la chamade, Xavier releva le pistolet jusqu’à toucher son oreille.

Je n’ai pas pensé à relever la fenêtre avant de tirer… Tant pis.

Au lieu de se diriger vers la fenêtre, au lieu de fuir, il s’écarta vers la porte. Dans un éclair, il sut qu’il n’y avait qu’une alternative : les affronter maintenant ou mourir un peu plus tard, au rez-de-chaussée.

La paroi, derrière l’endroit où il s’était trouvé un instant plus tôt, crépita comme elle se dissolvait en un nuage de plâtre.

Xavier fit un pas dans le couloir et ses mains ramenèrent le pistolet devant lui à l’horizontale. Au même moment, l’un des tueurs sortit en courant. Xavier tira – simple réflexe. Sous l’impact des quatre balles, la tête de l’homme explosa littéralement.

Plus qu’une salve.

C’était la première fois qu’il tuait de ses propres mains et qu’il en voyait le sanglant résultat. Une part de lui-même était frappée d’horreur ; mais celle qui contrôlait ses muscles désenclencha le tir en cascade. Sur la paroi opposée du couloir, un pan s’effrita à hauteur d’homme – Wolf est dans l’alignement de la porte !

Xavier n’avait aucune certitude quant à la distance d’où il se tenait par rapport à l’ouverture. Il tira quatre fois à travers le mur. De l’autre côté, un cri retentit. Xavier lâcha son arme inutile et s’avança dans l’entrebâillement.

Wolf, assis et à demi renversé, se tenait le cou à deux mains, tentant de contenir le flot de sang qui ruisselait sur sa chemise. La balle avait dû riper sur son col pare-balles et se loger dans sa gorge. Derrière, le cadavre de Chiriko était adossé contre la porte blindée. Un trou bien propre à la tempe. Xavier s’accroupit devant Wolf. Il savait que le projectile ne lui laissait aucune chance. Et, d’ailleurs, il n’aurait pas pu le sauver, même en le transportant jusqu’au médikit qui se trouvait dans la chambre forte. Il vérifia que Wolf ne pouvait pas le tuer dans un ultime effort, puis se pencha pour saisir les deux mots que dessinaient les lèvres du tueur :

« Putain… d’amateur… »

Wolf se figea et ses mains se relâchèrent, libérant un jet d’hémoglobine qui éclaboussa Xavier.

Il n’osait pas encore y croire. Il avait eu une chance invraisemblable… mais ce n’était qu’un sursis. Les autres enverraient d’autres hommes, plus nombreux et mieux préparés. Xavier secoua la tête. Il ne voulait pas y penser maintenant.

Il lui fallut une heure pour transporter et charger les corps dans leur camion. Il déplaça le camion à cinq cents mètres de la résidence, dans un taillis de buissons-vinaigre tout près de la route d’accès. Il avait pris soin de disposer les explosifs auprès des corps et de régler la mise à feu de leur détonateur à quinze minutes. Cela lui laissa le temps de franchir trois cents mètres, de se retourner puis d’attendre l’explosion, à la lueur sinistre de la naine rouge. Elle fut si violente que le camion et son véhicule furent pulvérisés.

Xavier revint à la résidence, monta au premier étage et nettoya les grandes traînées de sang du bureau. Ensuite il ouvrit l’épaisse porte métallique et pénétra dans la chambre forte.

C’était elle qui avait orienté le choix de Xavier sur cette résidence. L’ancien propriétaire l’avait fait construire pour abriter un laboratoire clandestin dans lequel il fabriquait ses propres drogues. L’abri offrait l’avantage d’être hautement sécurisé, de posséder son propre groupe électrogène ainsi qu’un système de recyclage d’air digne de celui d’un vaisseau spatial. Xavier avait ajouté son matériel : une armoire frigorifique montée sur un socle rotatif, des amplificateurs d’ADN, des bibliothèques de cellules spécialisées et semi-spécialisées, un synthétiseur enzymatique…

Il s’avança vers la cuve de croissance principale, plongée dans une pénombre rouge. L’extérieur n’était même plus un murmure lointain, le seul bruit était celui des grappes de pompes et des bips rassurants de la batterie de contrôles. Une grande baie vitrée permettait de voir à l’intérieur. Flottant dans le sérum physiologique, Jana trois était tournée de trois quarts. À ses extrémités, le délicat réseau veineux s’entrelaçait librement, à la manière d’algues. Les arches métalliques de tomographes multispectraux l’entouraient telles d’énormes pinces. Les os graviporteurs poussaient dans des moules spéciaux, sur le côté.

Xavier contempla longuement son ébauche – une masse à peine humaine, reliée à des tuyaux et des sondes de contrôle. Un cordon de fibres optiques s’enfichait dans l’implant neural, à la base du crâne dénudé. Grâce à lui, Xavier pourrait bientôt converser avec elle. Elle saurait alors combien il l’aimait.

La mécanique du talion
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